

6 restaurants dirigés par des femmes qui font face à la pandémie
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous mettons à l’honneur 6 restauratrices d’exception, qui par leurs prises d’initiatives, ont montré courage, résilience et bienveillance durant la pandémie.
En cette période d’incertitude extrême, une chose est sûre : le monde tel que nous le connaissons ne sera plus. Entre confinements à l’échelle internationale et mesures de distanciation sociale, maintenir un restaurant à flot relève du miracle. Et pourtant ! Voici le récit de 6 restauratrices qui ont tout réinventé en dirigeant leurs équipes avec courage et convictions pour résister avec ingéniosité face à la pandémie.
Sarah Mouchot, cheffe et fondatrice à Holybelly Café à Paris

Lorsque la pandémie a frappé la France en mars 2020, les restaurants ont tous été pris de court, obligés de stopper toute activité sans préavis. Dans une tentative désespérée d’éviter le gaspillage de milliers d’euros de nourriture stockée dans la cuisine de son restaurant, Sarah Mouchot, en pleurs, partage un message sur Instagram pour mobiliser ses followers : « On a demandé aux gens de venir avec leurs contenants pour ne pas gâcher la nourriture [...], ça n'est pas possible, ça me fait trop mal au cœur. » En l’échange d’une participation libre, l’équipe a distribué des centaines de kilos de denrées (pour une valeur d’environ 10 000 euros) à des habitants locaux qui ont été invités à venir avec leurs sacs et contenants pour aider à écouler les stocks, qui sont partis en à peine deux heures. Cette initiative a inspiré de nombreux autres restaurants qui ont rapidement suivi le mouvement.
Passant brutalement des longues files d’attente pour franchir le pas de leur restaurant aux portes fermées pour une durée indéterminée, Sarah et son partenaire ont dû se réinventer pour proposer des plats à emporter et offrir une expérience unique et personnelle à leurs clients. Holybelly s’est transformé en épicerie, traiteur et restaurant, offrant une sélection de plats préparés mais aussi de plats pré-cuisinés à finir chez soi, comme la préparation pour réaliser les célèbres pancakes de l’enseigne, à venir récupérer soi-même ou disponible à la livraison.
Julia Sedefdjian, cheffe et fondatrice de Baieta et Bô à Paris

Rien ne semble pouvoir arrêter Julia Sedefdjian, pas même une pandémie. Tout en conservant une qualité irréprochable et une présentation immaculée, la plus jeune cheffe étoilée au guide Michelin de France a su transformer son menu pour proposer un service de plats à emporter et de précommandes en ligne, disponible pour ses deux restaurants Baieta et Bô. Si les rentrées d’argent sont toujours au plus bas depuis des mois, Julia continue d’innover avec ses deux associés, louant leur soutien inconditionnel durant cette période de crise. « Nous trois, on forme un cocon. Sans eux, il y a longtemps que je serais retournée chez ma mère », confie-t-elle au magazine Capital dans une interview.
Durant cette période, elle a l’audace de fermer son restaurant Bô pour se concentrer sur un nouveau projet qui répond aux modes de vie et habitudes de consommation des Français en période de pandémie. Dès le printemps, les Parisiens pourront découvrir le nouveau concept restaurant-épicerie nommé Cicéron, qui proposera un menu 100 % sans gluten de plats à base de pois-chiche, largement inspirés de la cuisine niçoise, ville dont elle est originaire, avec un service de livraison et de plats à emporter.
Brigitte Hafner, cheffe et fondatrice du restaurant Tedesca Osteria en Australia

En janvier 2020, la cheffe australienne Brigitte Hafner réalise enfin son rêve et ouvre les portes de la Tedesca Osteria, un restaurant au concept traditionnel dans un cadre rustique, situé sur Red Hill dans l'État de Victoria en Australie. Elle était loin d'imaginer que moins de deux mois plus tard, le pays serait plongé dans un confinement pour une durée indéterminée, poussant les restaurateurs à proposer des plats à livrer ou à emporter pour survivre. Cela n’a pas empêché une seule seconde Brigitte de poursuivre son aventure. Soucieuse de garder son équipe intacte, elle a très vite décidé d’offrir à ses clients des paniers goûter remplis de pain frais et de pâtisseries maison, comme le strudel de sa grand-mère allemande ou encore les Eccles cakes, célèbres biscuits anglais. Dans ces paniers, ses clients retrouvent des choses simples et réconfortantes dont Brigitte sentait qu’elles étaient essentielles quand on est enfermés à la maison. Cependant, elle a dû prendre la décision difficile de fermer son premier restaurant, Gertrude Street Enoteca, afin de se consacrer pleinement à sa nouvelle activité.
Avec la volonté de rendre son restaurant plus autosuffisant, elle a comblé les lacunes de sa chaîne d’approvisionnement avec des produits de producteurs locaux et a transformé son petit lopin de terre en potager luxuriant et durable, grâce à une serre où tout pousse facilement à partir de graines. Ces initiatives lui ont permis de préserver la quasi-totalité de son personnel. Et l’histoire ne fait que commencer.
« Le confinement nous a permis d’apprendre à nous connaître en tant qu’équipe. Il est maintenant temps de mettre nos compétences en pratique. »
Ragini Dey, autrice récompensée et fondatrice des restaurants Naancho Naancho Man et Ragi’s Spicery en Australie

Quand le Covid-19 a frappé, la principale source de revenu de Ragini Day, provenant des cours de cuisine indienne qu’elle donnait dans des établissement de renom, est partie en fumée. Comme beaucoup d’autres propriétaires de restaurants, elle a dû compter sur la vente de plats à emporter comme principal rendement, bien que cette activité ne représentait que 10 % des recettes de son restaurant. Pour préparer son business aux nouveaux modes de vie qui se dessinent face à la pandémie, Ragini retravaille alors un menu réduit et décide d’offrir une sélection soignée de plats surgelés, à préparer chez soi, comme son célèbre curry ou encore son poulet pané et son mélange de lentilles.
Lors d’une interview en anglais donnée au Women’s Agenda, Ragini Day raconte: « D’une certaine manière, le Covid nous a donné plus de temps pour planifier. On peut s'adapter rapidement pour 6 mois ou 1 an mais si la situation dure, alors nous devrons tous envisager de nouvelles façons de faire les choses sur le long terme. » Ayant constaté l’engouement des gens pour la cuisine à la maison durant le confinement, elle a saisi l’opportunité pour sortir un nouveau livre avec une sélection de recettes indiennes simples et rapides à reproduire chez soi.
Alex Hely-Hutchinson, cheffe et fondatrice du restaurant 26 Grains au Royaume-Uni

Lorsque ses deux restaurants londoniens ont dû fermer temporairement, Alex a imaginé une nouvelle source de revenu qui s’adapte aux normes actuelles : une boutique en ligne qui propose des objets en céramique faits à la main et des coffrets cadeau haut-de-gamme, composés de produits gastronomiques, pour gâter famille et amis durant le confinement. Après avoir commencé à livrer dans un rayon de 8 kilomètres, elle voit plus grand et approvisionne désormais tout le Royaume-Uni depuis novembre 2020. « Je ne pense pas qu’on puisse de nouveau ouvrir nos portes et recommencer comme avant. Partager une bouteille de vin ou un dîner sur une grand tablée ne va malheureusement pas être possible avant longtemps. On doit donc penser à ce que l’on peut faire pour s’adapter et se diversifier pour répondre aux besoins des clients, » explique-t-elle dans une interview en anglais avec Assembly Coffee.
Alex a également mis son temps à profit durant le confinement pour soutenir les travailleurs en première ligne. Au début de la pandémie, elle rejoint rapidement les rangs de Cook-19, un collectif à but non lucratif qui fournit des repas au personnel hospitalier.
« Les acteurs du secteur doivent travailler main dans la main et s’adapter au changement de comportement de l’économie face au Covid-19. »
Bianca Rix, cofondatrice de The Fox & Hounds Restaurant & Pub au Royaume-Uni

En mars dernier, face à l’imminence du confinement au Royaume-Uni, Bianca, propriétaire d’un pub et restaurant familial, a commencé à s’inquiéter. Comme elle le raconte en anglais au Telegraph : « Les premiers jours étaient horribles. Le pire, c’était l’absence de règles claires et la crainte des gens d’aller au pub ou au restaurant alors que nous n’étions pas officiellement fermés ». À la dernière minute, elle prend la décision de transformer les réservations qu’elle avait en livraisons de plats à emporter, le week-end avant la fête des Mères, préparant jusqu’à 120 repas avec les 3 membres de sa famille. Pour satisfaire la forte demande, ses enfants ont pris les commandes, effectué les livraisons des repas et nettoyé la vaisselle.
Pour s’adapter aux nouveaux modes de vie et aux comportements de ses clients, Bianca et sa famille ont créé un menu de plats à emporter à prix abordable, qui se renouvelle régulièrement, avec des spécialités pour les occasions particulières comme la Saint-Valentin. « C’est agréable d’éviter à nos clients de cuisiner. Les gens n’ont pas beaucoup de temps libre, ils travaillent, parfois avec des enfants à la maison. Nous faisons attention aux prix de vente, entre 5 et 6 £ par repas, ce qui nous permet d’afficher un tarif raisonnable et de gagner suffisamment d’argent pour continuer à faire tourner la machine. »
Ouvrir la voie au changement à travers une pandémie
L’augmentation des services de livraison et de plats à emporter en raison du Covid-19 a rendu la situation difficile pour la plupart des propriétaires de restaurants. Pourtant, ces femmes dirigent leurs business avec courage et acharnement, grâce à des initiatives innovantes, montrant l'exemple et ouvrant la voie au changement et à l’optimisme, pour un nouveau départ.